Longue vie aux clauses limitatives de responsabilité!
Le 7 février 2018, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a redonné une certaine vitalité aux clauses limitatives de responsabilité en considérant qu'elles demeurent applicables même "en cas de résolution d'un contrat pour inexécution".(1)
Portée post - contractuelle des clauses limitatives de responsabilité
En l'espèce, à la suite d'une défaillance d'un entrepreneur, le maître de l'ouvrage a assigné le premier en résolution du contrat, restitutions et paiement de dommages et intérêts. L'entrepreneur défaillant a alors invoqué la clause limitative de responsabilité insérée au contrat, prévoyant que sa responsabilité encourue au titre de l'ensemble de ses obligations était "strictement limitée à 100% du Prix" fixé par le contrat.
Le maître de l'ouvrage avait obtenu de la Cour d'appel de Nancy qu'elle écarte cette clause limitative de responsabilité au regard de l'anéantissement du contrat découlant de sa résolution.
La Chambre commerciale de la Cour de cassation, à rebours de sa jurisprudence antérieure(2) , a censuré cette décision considérant qu'"en statuant ainsi, alors qu'en cas de résolution du contrat pour inexécution, les clauses limitatives de réparation des conséquences de cette inexécution demeurent applicables, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1184 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016".
Moins qu'une révolution c'est, en réalité, un alignement du sort des clauses limitatives de responsabilité, qui prévoient un plancher d'indemnisation favorable au débiteur, sur celui des clauses pénales, qui sanctionnent l'inexécution illicite du contrat dans l'intérêt du créancier et dont la survie au contrat anéanti est acquise.(3)
Un tel alignement se justifie par la finalité de ces clauses qui aménagent les conséquences de l'inexécution d'un contrat par dérogation aux règles légales de responsabilité et sont l'expression de la liberté contractuelle des parties. Elles présentent donc nécessairement une certaine autonomie par rapport au contrat puisqu'elles ne participent pas à son exécution et ne trouvent à s'appliquer qu'en cas d'inexécution fautive.
Mise en perspective de la décision au regard de la réforme issue de l'ordonnance du 10 février 2016
Cet arrêt a fait application du droit antérieur à la réforme du droit des contrats mais aurait été identique s'il avait été relatif à un contrat conclu après le 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016.
En effet, l'article 1230 du Code civil, issu de ladite ordonnance, dispose que "La résolution n'affecte ni les clauses relatives au règlement des différends ni celles destinées à produire effet même en cas de résolution, telles les clauses de confidentialité et de non-concurrence".
La rédaction de cet article ne permet pas de considérer cette liste comme exhaustive. Dès lors, se pose la question de savoir si les clauses limitatives de responsabilité sont, par nature, des clauses destinées à produire leurs effets même en cas de résolution, au sens de l'article 1230 du Code civil.
Par son arrêt du 7 février 2018, la Cour de cassation nous donne, d'ores et déjà, sa grille d'analyse et répond par l'affirmative.
Ainsi, en consacrant l'autonomie des clauses limitatives de responsabilité par rapport au contrat, la Cour de cassation donne, en accord avec la réforme du droit des contrats, un coup d'éclat à des dispositions contractuelles qui n'avaient eu de cesse d'être fragilisées par la législation (notamment au titre de la protection des consommateurs) et la jurisprudence qui les neutralisent en cas de faute lourde, dolosive, ou lorsqu'elles contredisent la portée de l'obligation essentielle souscrite par le débiteur.
Justement, c'est maintenant dans cette notion de faute lourde/dolosive ou de contrariété à l'obligation essentielle que les opérateurs, victimes d'une inexécution contractuelle, devront chercher leur salut pour éviter de voir leur indemnisation limitée.
Mais comment tracer la frontière entre (i) une inexécution suffisamment grave pouvant emporter la résolution du contrat laissant subsister la clause limitative de responsabilité et (ii) la faute lourde, ou dolosive, qui entraine naturellement la résolution du contrat, mais neutralise également tout mécanisme limitatif de responsabilité? Il sera intéressant de suivre l'évolution de la jurisprudence sur ce point.
(2) Cass., Com., 5 octobre 2010, n° 08-11.630, Inédit
(3) Cass., Civ.3., 15 février 2005, n° 04-11.223
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