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Ashurst Paris 07 Apr 2020

Epidémie COVID-19 – Mesures temporaires en droit des sociétés

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Parmi les nombreuses ordonnances adoptées par le gouvernement français pour faire face à l'épidémie du Covid-19 à la suite de la loi d'urgence du 23 mars 20201 , deux d'entre elles contiennent des aménagements temporaires du droit des sociétés.

Compte tenu des mesures prises en France depuis début mars, interdisant d'abord le regroupement de personnes au-delà d'un certain nombre, puis imposant le confinement sauf quelques exceptions (au nombre desquelles ne figurent pas les réunions des organes sociaux), il était en effet nécessaire d'apporter certaines adaptations au droit des sociétés. Leur objectif est naturellement d'éviter la paralysie des organes sociaux, pour leur permettre de continuer leurs opérations ordinaires ou en cours, mais aussi, on l'imagine, pour leur permettre de prendre certaines décisions imposées par la situation d'urgence actuelle. Pour ce faire, l'ordonnance n°2020-321 du 25 mars 2020 assouplit les conditions requises pour tenir les réunions des organes sociaux de toutes les sociétés hors la présence de ses membres ou par conférence téléphonique ou audiovisuelle. Un décret précisant les conditions d'application de cette ordonnance est néanmoins encore attendu à ce jour.

Par ailleurs, la période d'approbation des comptes annuels approchant pour beaucoup de sociétés, le gouvernement a décidé aux termes de son ordonnance n°2020-318 du 25 mars 2020 de proroger les délais applicables en la matière afin de tenir compte de la situation des sociétés et entités dont la préparation ou l'audit des comptes étaient en cours au moment de l'entrée en vigueur des mesures administratives restreignant les déplacements.

Assouplissement des modalités de tenue des réunions des organes sociaux hors la présence de leurs membres ou par conférence téléphonique ou audiovisuelle

Un périmètre large

L'ordonnance n°2020-321 du 25 mars 2020 est applicable à toutes les personnes morales de droit français ainsi qu'aux entités françaises dépourvues de personnalité morale de droit privé. Ainsi, elle concerne toutes les sociétés (civiles, en nom collectif, commerciales) mais aussi par exemple les masses d'obligataires, les groupements d'intérêt économique, coopératives, mutuelles, associations et fondations.

Les dispositions de l'ordonnance s'appliquent aux réunions de tous les organes sociaux de ces sociétés et entités (organes collégiaux dirigeants ou assemblées), quels que soient les sujets à l'ordre du jour (y compris l'arrêté et l'approbation des comptes).

Enfin, elles concernent toutes les réunions tenues à compter (rétroactivement) du 12 mars 2020 et jusqu’au 31 juillet 2020, sauf prorogation de ce délai jusqu’à une date fixée par décret et au plus tard le 30 novembre 2020.

Toutefois, comme le rappelle le rapport du gouvernement au Président de la République sur le projet d'ordonnance, ces dispositions revêtent un caractère exceptionnel et sont facultatives. Elles répondent à la nécessité d'assurer la continuité et la sécurité juridique du fonctionnement des sociétés et entités concernées. Ainsi, par exemple, comme indiqué plus bas concernant les réunions d'assemblées générales, ces dispositions ne s'appliquent que dans l'hypothèse où ces assemblées seraient convoquées en un lieu sujet à restriction pour des raisons sanitaires liées à l'épidémie de Covid-19.

Principales mesures applicables

Les principales mesures relatives aux sociétés non cotées2 prévues par cette ordonnance sont les suivantes :

  • s'agissant des réunions d'un organe collégial dirigeant (conseil d'administration, conseil de surveillance, directoire par exemple) :
    • les membres peuvent participer à la réunion de cet organe au moyen d’une conférence téléphonique ou audiovisuelle, et ce, même en l'absence de toute clause des statuts (ou du règlement intérieur) et même en cas de clause des statuts (ou du règlement intérieur) contraire ;
    • la conférence téléphonique ou audiovisuelle doit permettre l'identification des participants et garantir leur participation effective. Les moyens techniques utilisés doivent transmettre au moins la voix des participants et satisfaire à des caractéristiques techniques permettant la retransmission continue et simultanée des délibérations ;
    • les membres peuvent prendre des décisions par consultation écrite (dans des conditions assurant la collégialité de la délibération), même en l'absence de toute clause des statuts (ou du règlement intérieur) et même en cas de clause des statuts (ou du règlement intérieur) contraire.

      A noter : l'ordonnance ne vise pas les modalités de convocation des réunions des conseils, ni la participation des autres personnes invitées aux réunions des conseils telles que le commissaire aux comptes (pour la réunion d'arrêté de comptes), les représentants du CSE etc.

  • s'agissant des assemblées :
    • en cas de demande de communication d'un document ou information faite par un membre avant la tenue d'une assemblée, cette communication peut être faite par message électronique (sous réserve que cet associé ait indiqué une adresse électronique dans sa requête) ;
    • si une assemblée est convoquée en un lieu affecté (à la date de la convocation ou à la date de la réunion) par une mesure administrative limitant ou interdisant les rassemblements collectifs, et si l'organe compétent pour cette convocation le décide, cette assemblée peut être tenue (i) hors la présence des associés (et des autres personnes autorisées à y assister (CAC, représentant CSE, etc)), par exemple, au moyen d’un formulaire de vote à distance ou d’une procuration, ou (ii) par conférence téléphonique ou audiovisuelle ;
    • A noter : ces dispositions exceptionnelles ne s'appliquent pas par principe à toutes les réunions d'assemblées générales ; elles ne s'appliquent qu'aux assemblées qui seraient convoquées pour se tenir en un lieu où une telle réunion serait impossible. Ainsi, une assemblée qui serait convoquée pour se tenir dans un lieu (par exemple à l'étranger) non soumis à contraintes, parce que les associés par exemple seraient situés dans ce lieu, alors les mesures exceptionnelles de l'ordonnance ne s'appliqueront pas.

      En cas de décision de tenue de l'assemblée hors la présence de ses associés (hors présence physique ou via une conférence téléphonique ou audiovisuelle), il peut donc être temporairement dérogé au droit des membres d'assister aux séances des assemblées, ainsi qu'aux droits qui en découlent (droit de poser des questions orales par exemple).

      En cas d'assemblée tenue hors la présence de ses associés, par recours au vote à distance ou par procuration, les règles propres à ces modalités continuent de s'appliquer (telles que par exemple l'obligation d'utiliser un site internet dédié en cas de vote à distance électronique).

      L'ordonnance ne traite pas des modalités techniques de mise à disposition de certains documents au siège social avant les assemblées générales tels que les rapports des commissaires aux comptes, des commissaires aux apports, aux avantages particuliers etc.

    • modalités de convocation des membres de l'assemblée et des personnes ayant droit d'y assister (CAC, représentant CSE etc) : par tout moyen permettant d'assurer leur information effective ;

      A noter : par dérogation au droit commun, aucun délai minimum préalable de convocation n'est prévu. L'ordonnance n'a pas modifié les délais de mise à disposition de certains documents préalablement aux assemblées (rapports CAC, rapports des commissaires aux apports, aux avantages particuliers etc).

      La convocation devra notamment indiquer avec précision la date, l'heure de l'assemblée, et les conditions dans lesquelles les membres de l'assemblée pourront exercer l'ensemble de leurs droits.

    •  dans le cas où tout ou partie des formalités de convocation de l’assemblée ont été accomplies préalablement à la date de la décision de recourir à une consultation écrite ou une conférence téléphonique ou audiovisuelle, les associés en sont informés par tous moyens, trois jours ouvrés au moins avant la date de l’assemblée (sans préjudice des formalités qui restent à accomplir à la date de cette décision), sans nécessité de renouveler les formalités de convocation et sans que cela ne constitue une irrégularité de convocation ;

    • si l'organe compétent pour convoquer l'assemblée a décidé de recourir à l'une de ces modalités (voir ci-dessus), (i) les associés participant à une assemblée par conférence téléphonique ou audiovisuelle sont réputés présents pour le calcul du quorum et de la majorité, même en l'absence de clause des statuts (ou du contrat d'émission) le prévoyant, et même en cas de clause des statuts (ou du contrat d'émission) contraire, et (ii) les associés peuvent prendre leurs décisions par consultation écrite (quand le droit "commun" applicable aujourd'hui l'autorise pour le type de société ou entité concerné (SARL, SAS, SC)), même en l'absence de clause des statuts (ou du contrat d'émission) le prévoyant, et même en cas de clause des statuts (ou du contrat d'émission) contraire ;

      A noter : les actionnaires perdent donc temporairement leur droit de s'opposer à ce qu'une assemblée se réunisse exclusivement par conférence téléphonique ou audiovisuelle (L.225-103-1al 1 du Code de commerce).

      Les actionnaires conservent en revanche intacts leurs droits de poser des questions écrites, le droit proposer l'inscription de projets à l'ordre du jour, le droit de voter.

    • modalités techniques : la conférence téléphonique ou audiovisuelle doit répondre aux mêmes critères que ceux indiqués ci-dessus pour les conseils. L'ordonnance indique que par exception, pour les assemblées générales d'actionnaires et les masses d'obligataires qui bénéficient déjà dans le droit des sociétés de la faculté de se réunir via une conférence téléphonique ou audiovisuelle, les moyens techniques à utiliser sont ceux prévus par le texte réglementaire relatif, à savoir en l'état l'article R.225-97 du Code de commerce qui prévoit : "Afin de garantir, en vue de l'application de l'article L. 225-103-1 et du II de l'article L. 225-107, l'identification et la participation effective à l'assemblée des actionnaires y participant par des moyens de visioconférence ou de télécommunication, ces moyens transmettent au moins la voix des participants et satisfont à des caractéristiques techniques permettant la retransmission continue et simultanée des délibérations".

      A noter : les moyens techniques utilisés devant permettre l'identification des membres et autres participants, il est recommandé de recourir à des moyens de conférence téléphonique ou audiovisuelle accessibles uniquement à l'aide d'un code secret personnel adressé à chaque participant en amont.

Prorogation des délais de préparation et d'approbation des comptes annuels

L'ordonnance n°2020-318 du 25 mars 2020 proroge les délais de préparation et d'approbation des comptes annuels pour tenir compte de la situation des sociétés et entités dont la préparation ou l'audit des comptes étaient en cours au moment de l'entrée en vigueur des mesures administratives restreignant les déplacements. En l'état actuel du droit, les sociétés concernées auraient pu utiliser la faculté offerte par le Code de commerce de demander un délai au Président du Tribunal de Commerce pour approuver leurs comptes annuels, et sans nul doute les raisons légitimes exigées pour cette requête auraient été remplies. Toutefois, pour leur éviter cette formalité, et peut être aussi pour tenir compte du fonctionnement réduit des administrations actuellement, l'ordonnance anticipe cette situation et proroge les délais applicables.

Entités concernées : un champ d'application très large

Sont concernées toutes les personnes morales et les entités dépourvues de personnalité morale de droit privé. Sont donc visées les sociétés civiles et commerciales, GIE, coopératives, associations, fondations, sociétés en participation notamment.

Comptes concernés

Comptes clos entre le 30 septembre 2019 et l'expiration d'un délai d'un mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré par la loi d'urgence du 23 mars 2020 (n°2020-290), soit à ce jour jusqu'au 24 juin 2020 (sous réserve d'extension ou de fin anticipée).

A noter : les entités ne peuvent bénéficier de ce régime si le commissaire aux comptes a émis son rapport sur les comptes annuels avant le 12 mars 2020.

Compte tenu du délai de six mois à compter de la clôture de l'exercice pour approuver les comptes, ceux clôturés avant le 30 septembre 2019 doivent normalement avoir été approuvés avant fin février 2020, soit avant les mesures administratives restreignant les déplacements.

Une prorogation générale de trois mois

Toutes les entités concernées disposent d'une prorogation de trois mois des délais prévus par la loi, les règlements ou leurs statuts pour approuver les comptes annuels et les documents qui y sont joints, ou pour convoquer l'assemblée appelée à approuver ces comptes.

Pour les entités clôturant leurs comptes au 31 décembre 2019, leur approbation pourra donc avoir lieu jusqu'au 30 septembre 2020.

Des prorogations spécifiques pour les SA, les liquidateurs, les sociétés tenues d'établir des documents de gestion prévisionnelle et les entités bénéficiaires de subvention publique

Le délai de trois mois à compter de la clôture de l'exercice dont dispose le directoire d'une société anonyme pour présenter au conseil de surveillance les projets de comptes annuels, comptes consolidés et rapport de gestion notamment (article L.225-68 Code de commerce) est prorogé de trois mois (soit jusqu'au 30 juin 2020 pour une clôture au 31 décembre 2019).

A noter : l'obligation pour le directoire de présenter au conseil de surveillance, une fois par trimestre au moins, un rapport sur la marche de la société (L.225-68 al 1 Code de commerce) demeure inchangée.

Les sociétés comptant 300 salariés ou plus, ou dont le montant net du chiffre d'affaires est supérieur ou égal à 18 millions d'euros sont tenues d'établir (i) dans les quatre mois de la fin de chaque semestre, une situation de l'actif réalisable et disponible et du passif exigible, et (ii) dans les quatre mois de la clôture de leur exercice, un compte de résultat prévisionnel, un tableau de financement et un plan de financement prévisionnel (L.232-2 Code de commerce). L'ordonnance proroge de deux mois ces délais.

A noter : la prorogation du délai pour les documents de gestion prévisionnelle n'est que de deux mois, et non pas trois comme pour l'approbation des comptes. Pour les sociétés clôturant leur exercice (et leur semestre) au 31 décembre 2019, ils devront donc être préparés pour le 30 juin 2020 au plus tard.

Le délai de trois mois à compter de la clôture de l'exercice dont dispose le liquidateur pour établir les projets de comptes annuels et le rapport écrit sur les opérations de liquidation au cours de l'exercice écoulé (article L.237-25 Code de commerce) est prorogé de deux mois (soit jusqu'au 31 mai 2020 pour une clôture au 31 décembre 2019).

A noter : le rapport au Président de la République concernant l'ordonnance vise une prorogation de trois mois de ce délai, mais l'ordonnance (tout comme le projet d'ordonnance) ne prévoir un report que de deux mois.

Les organismes de droit privé bénéficiaires d'une subvention publique doivent, dans les six mois de la clôture de leur exercice, produire un compte rendu financier (article 10 loi du 12 avril 2000). Ce délai est prorogé de trois mois.

Calendriers comparés régime normal / régime dérogatoire issu de l'ordonnance 2020-318

La frise chronologique ci-dessous synthétise les principales mesures de l'ordonnance présentées ci-avant.

 

1. Loi d'urgence n° 2020-290 du 23 mars 2020.

2. Cet article n'aborde pas les mesures relatives aux sociétés cotées.

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